Sélection « Adulte »

La discrétion, de Faïza Guène – Editions Plon – 19,20 euros

Faïza Guene nous livre l’histoire d’une famille française de quatre enfants, nés dans les années 1980 et 1990, et qui ont une double culture, celle de la France où ils sont nés et celle de l’Algérie de leurs parents. Le récit nous fait voyager entre la génération des parents, restés discrets toute leur vie car se considérant « invités » en France, et la génération des enfants, qui ne se sentent  pas reconnus comme français, et sont soumis à l’injonction permanente de justifier leur appartenance française.

A travers cette chronique familiale, Faïza Guène invite le.la lecteur.rice, qui n’a pas cette expérience de vie, à mieux comprendre le vécu actuel d’une partie de la population française. Subtilement, avec pertinence et efficacité, elle aborde le fractionnement actuel de la société française en montrant l’impact du passé sur le présent de ces quatre enfants, et invite la société française à ouvrir, entre la discrétion et la colère, une troisième voie vers la réconciliation  et le respect.


Une théorie féministe de la violence, de Françoise Vergès – Editions La Fabrique – 12 euros

Dans cet essai, Françoise Vergès propose une analyse féministe et intersectionnelle de la violence à l’égard de certaines populations et certains corps. Le système judiciaire et policier, selon elle, cherche à neutraliser certaines populations, certaines catégories d’hommes, souvent non blancs, sans s’interroger sur les structures qui fabriquent ces violences. Elle observe ainsi un « écart infranchissable entre, d’une part, l’inflation des discours sur la protection des femmes et des plus vulnérables, et, d’autre part, les mesures et les lois qui accroissent brutalement la précarité et la violence institutionnelle. Ces contrastes tracent une frontière entre qui doit et peut être protégée et qui ne peut l’être ou ne doit pas l’être ». Forte de ce constat, et dans un contexte sécuritaire grandissant, où la violence ne semble épargner plus aucun coin de la société (violence physique, économique, culturelle, climatique…), Françoise Vergès nous invite à reconsidérer cette violence, les choix politiques qu’engendrent les réponses à cette violence et le système qui le génère et l’encourage.


Le taureau, une histoire culturelle, de Michel Pastoureau – Editions du seuil – 19,90 euros

Pour notre plus grand plaisir, Michel Pastoureau, historien médiéviste, nous présente une nouvelle histoire culturelle, celle du Taureau. 

De la Préhistoire à nos jours, cette monographie analyse et commente les savoirs et les représentations qui se rattachent au taureau dans l’Europe occidentale (croyances, mythes, emblèmes, rites et anecdotes). Tantôt valorisé, tantôt diabolisé, le Taureau est une figure importante du bestiaire. Une iconographie d’une grande qualité illustre ses propos.

Michel Pastoureau, conteur fabuleux, historien très érudit, nous transmet son savoir avec délectation. Chaque rendez-vous est un régal.

A retrouver également, du même auteur, Le loup, une histoire culturelle (19,90euros) et L’ours, histoire d’un roi déchet (disponible en poche, 10,80 euros).


Lune de loups, de Julio Llamazares – Editions Verdier Poches – 10,20 euros

Tels des animaux nocturnes et solitaires, quatre jeunes hommes sont condamnés à survivre dans la montagne, à se cacher dans les bois et dans les grottes. Leur crime ? Etre républicains et avoir combattu l’armée de Franco. 

Sur fond de guerre civile espagnole où la violence, la mort et la détresse règnent, l’auteur nous plonge dans la solitude de ces jeunes, dans leur animalité et leurs voyages intérieurs. La peur et la haine ne sont jamais loin. La nature est omniprésente dans ce récit et peut, comme les humains, faire preuve de cruauté. L’écriture est poétique et les émotions à l’état brut !


Heritage, de Miguel Bonnefoy – Editions Rivage – 19,50 euros

Vers 1870, dans le Jura, un vigneron de Lons-le-Saunier ruiné par le phylloxéra, décide de s’embarquer pour la Californie, un pied de vigne en poche. Par un hasard qui changera son destin, il est débarqué au Chili pour cause de fièvre typhoïde et, à la suite d’un malentendu au service de l’immigration, il est rebaptisé du nom proche de son lieu de naissance : Lonsaunier. 

C’est ainsi  que commence cette saga familiale racontée avec brio par Miguel Bonnefoy,  dressant un pont entre la France et le Chili de la fin du XIXème jusqu’à la dictature de Pinochet. Miguel Bonnefoy nous emmène entre réalité et magie pour nous conter les héritages multiples nés de la rencontre de deux cultures, et transmis d’une génération à une autre. Après notamment Le voyage d’Octavio et Sucre noir, Miguel Bonnefoy, écrivain franco-vénézuélien, offre au lecteur un merveilleux roman, nourri de la rencontre de deux pays et de deux langues.


Une chambre à soi, de Virginia Woolf – Editions 10/18 – 6,10 euros

Dans ce délicieux pamphlet, Virgina Woolf, interrogée sur le lien entre « femme » et « roman », détaille avec brio un grand nombre de conditions matérielles qui limitent l’accès des femmes à l’écriture. Comment une femme peut-elle créer, s’exprimer, écrire quant il lui est si difficile de flâner dans l’espace urbain, de voyager seule, d’accéder à la bibliothèque des universités anglaises, et qu’elle a la charge totale de s’occuper des enfants, des tâches ménagères, … ? Et pour celle qui souhaite tout de même écrire dans ces conditions, elle doit alors déconstruire le discours dominant qui considérait « qu’on ne pouvait rien attendre, intellectuellement, d’une femme ». Le pré-requis à toute création est ainsi de posséder « quelque argent et une chambre à soi ». Deux conditions dont les hommes ont accès depuis des millions d’années.

Ce court essai est véritable classique et une véritable référence féministe.


Anima, de Wajdi Mouawad – Actes Sud – 9,70 euros

Le livre débute avec un meurtre d’une cruauté sans pareille. Wahhch Debch rentre chez lui, et découvre sa femme morte. Il reste là sans bouger, tétanisé et dévasté. Puis, il se lance dans une chasse à l’homme, pour retrouver ce monstre, cette bête qui a pu enlever la vie à sa femme. Au fur et à mesure de son odyssée à travers l’Amérique, des blessures enfouis remontent et le hantent.

La narration nous est livrée par les pensées des animaux qui croisent Wahhch Debch dans sont périples : loups, renards, araignées, oiseaux … nous plongeant ainsi dans un univers hypnotique, où la beauté et la violence sont omniprésentes. La frontière entre humanité et bestialité nous apparaît de plus en plus floue au fur et à mesure de la lecture. La lecture de ce roman n’offre aucun répit, elle est éprouvante, violente, bestiale et pourtant si happante, humaine et puissante. Un livre qu’il faut oser lire.


Alger, rue des Bananiers, de Béatrice Commengé – Editions Verdier – 14 euros

Le hasard m’avait fait naître sur un morceau de territoire dont l’histoire pouvait s’inscrire entre deux dates : 1830-1962. Tel un corps, l’Algérie française était née, avait vécu, était morte.

Subtilement, sans nostalgie et avec une écriture aussi accessible qu’élégante, Béatrice Commengé entremêle l’histoire de sa famille depuis quatre générations avec celle de l’Algérie française.

Ce récit est avant tout une reconstitution de la topographie des lieux et des espaces, au fil du temps et de la mémoire. C’est ce qui rend ce texte si sensible et si évocateur pour chacun.e d’entre nous. Un texte qui illustre parfaitement bien les propos de Perec mis en exergue : « Vivre c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner« 


Tout le monde peut être féministe, de bell hooks – Editions Divergences – 14 euros

Enfin traduit, ce livre de bell hooks, l’une des plus influentes militantes féministes noires américaines, est une introduction à la théorie féministe, accessible à toutes et tous. Avec simplicité et limpidité, elle nous explique comment sont liés le féminisme, l’antiracisme et la lutte des classes. Une introduction claire et simple à l’idée d’intersectionnalité. Sous l’angle de la sororité, ce livre tend à pacifier le débat autour des discriminations en proposant une analyse systémique et politique des enjeux sociaux et de genre, et rappelle ainsi que le féminisme est l’affaire de tout le monde.


Un promeneur solitaire dans la foule, d’Antonio Muñoz Molina – Seuil – 24 euros

Véritable voyage introspectif, ce livre nous invite à déambuler dans quatre métropoles (Paris, New-York, Madrid et Lisbonne) à travers le temps, aux côtés d’écrivains chers à Molina (Pessoa, Benjamin, Baudelaire et Melville).

Cet essai polyphonique dense et foisonnant se décline comme un récit-collage qui aiguillonne notre conscience écologique et critique notre société de consommation.

Rythmé par des slogans lus ou entendus, qui sont prétextes à réflexions, Molina nous invite à partager ses flâneries nostalgiques qui résonnent en nous pour notre plus grand plaisir. Cet ouvrage a reçu le prix Médicis étranger 2020.


La recluse de Wildfell Hall, d’Anne Brontë – Editions Libretto – 12,80 euros

Angleterre. 19ème siècle. Une jeune femme, Helen, et son fils viennent de s’installer au château de Wildfell Hall, de quoi alimenter toutes les rumeurs dans la petite commune. Qui est donc cette jeune femme ? Qui est le père véritable de cet enfant ? Pourquoi parle-t-elle si peu de sa vie d’avant et d’où elle vient ? Ce mystère ne va faire qu’attiser la curiosité de Gilbert, cultivateur et voisin de Wildfell Hall. Né alors entre eux un amour profond qu’Helen va refuser de toute force, mais pourquoi ? 

Avec ce roman, considéré aujourd’hui comme l’un des premiers romans féministes, Anne Brontë nous offre un récit riche sur la place des femmes dans la société victorienne, les concessions permanentes qu’elles sont contraintes de faire entre le mariage, la sécurité financière et leur liberté et bonheur. Comment peuvent-elles s’extirper de la vie conjugale quand elles sont confrontées à la violence et aux abus ?


La guerre est une ruse, de Frédéric Paulin – Folio Policier – 8,50 euros

Ce polar géopolitique nous embarque en Algérie dans les années 90. Benlazar, agent de la DGSE, dénonce les liens étranges qui semblent s’être tissés entre les généraux algériens et les GIA.

Manipulations, violences, et machiavélisme, tous les ingrédients sont rassemblés pour faire germer les racines du djihadisme européen.

Premier tome d’une trilogie palpitante et très documentée (Prémices de la chute, Fabrique de la terreur), ce roman, qui mêle faits réels et fiction, nous permet d’aborder une période sombre de notre histoire. Ecriture resserrée et percutante.


Patria, de Fernando Aramburu – Babel – 11,95 euros

Patria est des romans où la petite et la grande histoire, la tragédie nationale et familiale s’entremêlent avec celles du Pays Basque espagnol.

Deux familles amies, puis ennemies se déchirent sur fond de luttes fratricides. Fernando Aramburu nous plonge dans la réalité de cette région aux temps de l’ETA (Organisation « Pays Basque et Liberté »). Poignant !


La laveuse de mort, de Sara Omar – Actes Sud – 22,80 euros

Dans ce récit qui alterne entre le présent (2016) et le passé (1986), entre le Danemark et le Kurdistan irakien, nous suivons le destin de Frmesk. Dans certains pays, naître femme est une malédiction et ce roman en est l’illustration bouleversante.

Les laveuses de mort sont des femmes qui lavent les corps d’autres femmes, tuées au nom de l’honneur et que personne ne réclame. Ce roman cherche à donner une voix à ces combattantes de la liberté.

La laveuse de mort est un livre-témoignage courageux, dérangeant, d’une extrême dureté mais nécessaire. Ce premier roman est prévu d’être le premier opus d’une trilogie.


Le coût de la vie, de Déborah Levy – Editions du sous-sol – 16,50 euros (prix Femina 2020)

Dans cet opuscule autobiographique, Deborah Levy nous confie sans atermoiement, ni complaisance, ses souvenirs et ses réflexions sur la société, la condition féminine et les faux-semblants. Comment se réinventer suite à une rupture conjugale et reconstruire une vie plus libre ?

Ce texte subtil et sincère est un véritable « manifeste pour le droit de vivre sans entrave ».

Retrouvez également son premier ouvrage autobiographique Ce que je ne veux pas savoir, magnifique !


Une baignoire dans le désert, de Jadd Hilal – Editions Elyzad – 12 euros

Alors que ses parents lui annonce leur divorce et que la guerre éclate dans son village, le jeune Adel trouve refuge auprès de deux amis imaginaires. Un jour, se retrouvant seul chez lui, il n’a plus d’autres choix que de fuir. Il se retrouve alors dans un camp militaire, d’une des milices belligérantes, face à un cheikh qui le soupçonne de combattre pour l’ennemi. Adel doit alors faire ses preuves, montrer qu’il est responsable et doit, malgré lui, apprendre à grandir. Semblable à un conte, ce court roman nous offre une belle réflexion sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, et une critique de ce monde d’adultes qui n’a pas toujours de sens. Convient parfaitement pour des jeunes adultes. 

Retrouvez également du même auteur Des ailes au loins, portraits de quatre générations de femmes en exil, de la Palestine à Genève. Hymne à la vie et la liberté.


Un Soupçon de liberté, de Margaret Wilkerson Sexton – Actes Sud – 22,50 euros

La Nouvelle Orléans. 1944, Evelyn. 1986, Jackie. 2010, TC. Ce premier roman, récit de trois générations (deux femmes et un jeune homme), nous raconte la déchéance d’une famille noire de la Nouvelle Orléans, ville symbole de la fracture sociale et raciale américaine.  

Cette fresque familiale met en lumière, avec beaucoup de pudeur et de délicatesse, les discriminations systémiques auxquelles sont confrontés les afro-américains. Un bel hommage aux femmes qui essaient, tant bien que mal, de faire famille face à la ségrégation, à la crise économique, au racisme, à la pauvreté ou encore aux ravages de la drogue. 


Nickel Boys, de Colson Whitehead – Albin Michel – 19,90 euros

Roman inspiré d’un fait divers dans la Floride des années 60, Nickel Boys dénonce la ségrégation et analyse la violence héritée d’années d’oppression dans une maison de correction.

Deux adolescents noirs tentent de survivre à la brutalité et la maltraitance tout en préservant leur dignité grâce à une infinie fraternité. Ce roman coup de poing questionne et fait écho à l’Amérique d’aujourd’hui.

Retrouvez également le roman précédent de Colson Whitehead, Underground Railroad, paru en poche  et qui a reçu le prix Pulitzer 2017.


Une bête aux aguets, de Florence Seyvos – Editions de l’Olivier – 17 euros

Depuis l’âge de 12 ans, suite à un fort épisode de fièvre, la narratrice, Anna, doit prendre deux comprimés afin de contrôler la bête qui l’habite. Cette bête, Anna nous la décrit et elle en a peur, elle en a honte. Mais de quoi s’agit-il exactement ? 

Récit initiatique ? Récit fantastique ? Récit sur la maladie mentale ? Les questionnements sont nombreux à la lecture de ce roman et l’autrice se garde bien d’y répondre trop clairement. Quoi qu’il en soit, l’atmosphère dans lequel elle nous plonge et les douleurs de l’adolescente rend la lecture hypnotique et inquiétante. Les maux invisibles d’une maladie ne la laisse pas pour autant inexistante, et c’est bien là tout le mystère qui entoure cette jeune Anna.


Apeirogon, de Colum McCann – Belfond – 23 euros (prix Pulitzer 2020)

Deux hommes, deux pères désenfantés, l’un Palestinien, l’autre Israélien, devenus amis improbables suite au décès de leurs filles respectives, unissent leur énergie pour obtenir la fin des hostilités en parcourant le monde. Ils tirent leur force et leur énergie de ces rencontres. Pour eux, la plus belle des vengeances, des résiliences serait la paix. Apeirogon retrace en 1001 contours le conflit israélo-palestinien et nous fait sentir toute sa complexité par une écriture sensible, humble et humaniste.


Le Dit du Mistral, d’Olivier Mak-Bouchard – Le Tripode – 19 euros 

Sous le soleil provençal, là où souffle le mistral à rendre fou et où le moindre caillou révèle des décombres antiques, ce premier roman original, à l’écriture et la construction étonnement maîtrisées, nous emmène en voyage à travers le temps sur le thème de la transmission, et de notre lien avec l’Histoire passée et à venir. Une fois le roman fini, prenez le temps de lire les dernières pages qui permettent de découvrir qu’un travail éditorial est avant tout une aventure collective.   


Le Sanctuaire, de Laurine Roux – Editions du Sonneur – 19 euros

En pleine montagne, une famille vit seule et détruit les oiseaux qui seraient à l’origine de la disparition de l’Homme. L’une des enfants brave l’interdiction paternelle de s’aventurer et découvre l’inimaginable. La tensions ne cesse de croître au fil des pages emmenant le lecteur vers un incroyable récit d’émancipation, de résistance et de libération à toute emprise.


Impossible, d’Erri De Luca – Gallimard – 16,90 euros

Un huis clos entre un juge et un ancien révolutionnaire au rythme d’une ascension en montagne. Une émouvante et passionnante réflexion sur l’engagement, la fraternité et la (ou une) vérité.